9. Formation du lexique germanique (la racine chamito-sémito-indo-européenne en diachronie)

Le groupe des langues germaniques a son caractère propre et original au sein de la famille indo- européenne (i.-e.). Sur le plan du vocabulaire – qui, seul, concerne la présente étude, et permet d’envisager de remonter jusqu’à la source de création -, un proto-germanique a été reconstitué au moyen de la méthode comparative, de la même manière que le proto-indo-européen reconstruit des radicaux, non attestés, qui sont communs à toutes, ou plusieurs, langues i.-e.

Pour des raisons non encore clairement définies, les différents groupements germaniques ont modifié le consonantisme originel des radicaux qu’ils utilisaient. Des changements phonétiques ont d’abord concerné l’ensemble des langues germaniques, qui sont réparties en trois branches: groupe nordique (représenté ici par le vieux norrois), groupe oriental (ici, par le gotique), et groupe occidental (vieil anglais, vieux frison, vieux saxon, et vieux haut-allemand).

La loi de Grimm (puis la loi de Verner, pour son amélioration) décrit cette « première mutation consonantique », en précisant l’évolution, en germanique, des consonnes i.-e. : conversion d’occlusives (voisées ou non) en fricatives (voisées ou non), et réciproquement. La présente étude développe les nombreux aspects de ces deux lois, ainsi que les modifications intervenues beaucoup plus tard sur le seul vieux haut-allemand (« seconde mutation consonantique »).

L’examen de ces changements se fait par référence aux autres termes i.-e. équivalents, mais l’analyse actuelle considère qu’une partie importante du lexique germanique (jusqu’au tiers, pour certains analystes) serait composée de radicaux non indo-européens, en raison des difficultés, ou même de l’impossibilité apparente d’effectuer, parfois, les rapprochements nécessaires.

Or, on retrouve dans le proto-germanique, rameau de l’indo-européen, le fondement de la racine chamito-sémito-indo-européenne : tous les radicaux de l’égyptien hiéroglyphique (é.-h.) sont construits par des éléments biconsonantiques signifiants (« étymons », dont l’une des consonnes est toujours l’occlusive glottale notée « 3 », de double sens), ou par l’association de deux ou trois d’entre eux, de sens connexe. Ce principe s’applique aussi en hébreu et en arabe (la racine triconsonantique ou trilitère sémitique est une « norme » de trois étymons), et en indo-européen (la racine proposée par Benveniste en 1935 résulte de deux étymons, avec des élargissements).

L’analyse des termes lexicaux germaniques s’effectue donc dans un cadre plus large, bénéficiant de résultats acquis, aussi bien pour le vocalisme (comme le traitement des suites 3-3) que pour le consonantisme (comme les traces du phonème « ayin », courant en chamito-sémitique). De ce fait, la partie du lexique germanique restant sans correspondant i.-e. se trouve très réduite.

Le sens des radicaux germaniques devrait être déterminé (comme il l’est en i.-e. et en chamito- sémitique), par sa structure consonantique, en raison de la motivation phonémique originelle, qui établit une grande différence sémantique entre les consonnes voisées et non voisées. Mais, les mutations consonantiques, en substituant des phonèmes voisés à des phonèmes non voisés, et réciproquement, dérogent à la motivation phonémique primitive, ce qui n’a toutefois qu’une importance pratique limitée : en effet, une fois constitué un stock de vocabulaire suffisant, les locuteurs germaniques, initiateurs de ces mutations, devaient avoir oublié, depuis longtemps, les motivations logiques et codifiées de leurs lointains prédécesseurs locuteurs-créateurs.

L’évolution diachronique, en germanique, de la racine chamito-sémito-indo-européenne, témoigne donc de la perte de la motivation phonémique originelle. Cet oubli devait d’ailleurs se généraliser partout, et même être consacré par le postulat saussurien de l’arbitraire du signe.

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