2. Dictionnaire de la création lexicale

Les recherches sur l’indo-européen, puis l’égyptien hiéroglyphique et les langues sémitiques, ont mis en évidence un mythe préhistorique en cinq étapes, expliquant le nom des nombres.  Leur enchaînement de 1 à 5, répété de 6 à 10, est une métaphore du cycle de la sève dans la végétation, illustré par une peinture rupestre du Tassili algérien (les cinq épisodes représentent une jeune fille en relation avec des récipients, et dont la tête est toujours surmontée de quatre petits points) : peinture reproduite et commentée dans « La motivation phonémique à l’origine du langage » (2011), ou « Construction de l’alphabet phénicien et de ses dérivés » (2018).

Les langues indo-européennes (i.-e.), comme les langues chamito-sémitiques, gardent en mémoire, non seulement le contenu sémantique et le mode de formation des noms de leurs nombres (très différents et considérés « immotivés »), mais aussi le principe général de la création de la totalité des radicaux de leurs termes lexicaux. En effet, mieux que toute autre langue, et grâce à l’ancienneté et la permanence de son système d’écriture multi-millénaire, l’égyptien hiéroglyphique (é.-h.) fait apparaître les fondements qui structurent la formation de son lexique et, après l’étude des correspondances phonétiques, de celui des autres langues étudiées.

La méthode unique de construction est exposée dans plusieurs ouvrages de plus en plus précis et détaillés : « Le principe général de la création lexicale » (2012), « La racine chamito-sémito-indo-européenne » (2014), « Les étymons de la racine chamito-sémito-indo-européenne » (2016), et « Lexique indo-européen et racine chamito-sémito-indo-européenne » (2021).

Elle peut se résumer comme suit, à partir de l’é.-h., avec trois étapes de complexité croissante :

  • rôle fondamental du phonème noté « 3 » en é.-h. (consonne double ᵓ , alef sémitique, occlusive glottale ou « coup de glotte », de double sens : « ôter, déchirer », et « tenir »), pouvant constituer, à lui seul, un radical (et, dans les autres langues, se transposant en toute voyelle qu’il porte, longue ou brève en sémitique, mais toujours brève en i.-e.)
  • formation, par « 3 » et chacune des 23 autres consonnes (elles-mêmes dotées d’un seul contenu sémantique spécifique, par « motivation phonémique » originelle nuançant le postulat saussurien de l’arbitraire du signe, qui ne les différencie pas), de 46 « étymons » biconsonantiques (donc tous signifiants, avec chaque sens de « 3 »; les inverses ont ainsi le même sens) : chaque étymon peut être, à lui seul, un radical, et opérer sur jusqu’à 18 « secteurs sémantiques », apparaissant selon les deux sens de « 3 » et de fréquentes métaphores, et capables de recevoir, ensemble, la totalité du lexique d’une langue
  • construction des radicaux (de sens plus distinct et précis) par assemblage d’étymons signifiants : deux ou trois en é.-h. (en très grande majorité), trois en sémitique (d’où la racine triconsonantique ou trilitère, inexpliquée), et deux en i.-e. (expliquant le modèle de la racine i.-e. de Benveniste (1935), avec affixes ou élargissements). Mais ces étymons sont alors de sens analogue ou connexe et confèrent justement sa signification au radical qu’ils composent. Tout radical, s’il n’est pas lui-même un étymon, constitue dès lors une sorte de pléonasme, dont la morphologie spécifique améliore la différenciation lexicale.

La mise en évidence de ce mode de création lexicale commun, extrêmement lointain, a entraîné l’élaboration du « Dictionnaire de la création lexicale« , essai d’explication (morphologique et sémantique) de 109 000 références, toutes produites par les 46 étymons morphologiques, opérant sur les 18 secteurs sémantiques (soit 828 étymons sémantiques). Il s’agit de 33 000 formes primitives, ayant créé 76 000 termes lexicaux de plus d’une trentaine de langues, dont 52 000 pour six langues : 25 000 pour le groupe chamito-sémitique (é.-h., arabe, hébreu) et 27 000 pour le groupe indo-européen (sanskrit, grec, latin). De plus, 7 000 pour le germanique, montrant l’évolution diachronique de la « racine chamito-sémito-indo-européenne ».