12. Origines du nom des cinq planètes dans l’Antiquité : mythe du nom des nombres

Parmi le grand nombre des points lumineux semblant attachés à la voûte du ciel nocturne (étoiles fixes), l’observation a très tôt constaté que cinq astres changeaient de position avec une vitesse inégale (étoiles mobiles, différentes des deux autres « astres errants » que constituent le Soleil et la Lune, par leurs dimensions apparentes et leur éclat) : il s’agit des cinq « planètes » connues dans l’Antiquité, sous leurs noms actuels de Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne.

Ces noms sont les derniers d’une évolution dans la dénomination de ces « astres errants ». Les Babyloniens, au moins depuis la fin du XII° siècle av. J.C., désignaient chacun d’eux par le nom d’une divinité à laquelle il se rapportait. Et, selon la thèse traditionnelle actuelle, les Grecs ont substitué à ces noms ceux de leurs divinités correspondantes (Hermès, Aphrodite, Arès, Zeus et Cronos), puis les Romains ont remplacé ces noms grecs par ceux de leurs propres divinités.

Sans que l’on puisse confirmer avec certitude la première étape (Babylone-Grèce), la réalité est nuancée. On ignore déjà pour quelles raisons Babylone a rattaché telle « planète » à telle divinité, et, ensuite, la Grèce a multiplié les tutelles divines ou utilisé des qualificatifs : Hermès-Apollon-στιλβων (« scintillant »), Aphrodite-Héra-φωσφοροs (« porte-lumière »), Arès-Héraclès-πυροειs (« flamboyant »), Zeus-φαεθων (« brillant »), Cronos-étoile d’Hélios-Némésis-φαινων (« brillant »).

Ailleurs, l’égyptien hiéroglyphique (é.-h.) atteste 12 dénominations pour les cinq « planètes », et le sanskrit 72. Or, parmi ces 84 appellations (sans aucun nom divin), 14 sont spécifiques de Mars (rouge) et Saturne (lente), mais 70 se réfèrent au « mythe du nom des nombres ». En effet, l’étude montre que les observateurs ont nommé les « étoiles mobiles » en fonction de leur vitesse de déplacement apparente, de la plus rapide (Mercure, rang 1) à la plus lente (Saturne, rang 5).

Les noms des nombres, actuellement considérés comme « immotivés » (inexpliqués par des racines intelligibles), ont été construits selon le « mythe du nom des nombres », mis en évidence par le croisement entre la linguistique et d’autres disciplines (mythologie, rituels religieux, calendriers antiques) : ils symbolisent les cinq étapes d’un mythe originel préhistorique, évoquant le cycle de la sève dans la végétation, du manque apparent hivernal (« 1 » et « 6 ») à la cueillette des fruits très désirés, depuis l’époque reculée des chasseurs-cueilleurs (« 5 » et « 10 »).

Ce « cycle de base 5 », confirmé par une peinture rupestre en 5 épisodes du Tassili algérien, a ainsi survécu, par exemple, dans la succession des rites des Mystères d’Eleusis ou des mois des calendriers antiques, et l’ordonnancement des 22 signes de l’alphabet phénicien (dont l’ « ordre levantin », inexpliqué, réitère cinq cycles, le dernier incomplet). Il justifie donc encore les 70 dénominations considérées, obligeant chacune à évoquer l’un des 5 épisodes du cycle, en étant construite selon le mode de la « racine chamito-sémito-indo-européenne » (un à trois « étymons »).

Tout « étymon » réunit la consonne occlusive glottale (« coup de glotte », notée « 3 » en é.-h. (double alef ᵓ), de double sens), et toute autre consonne (de contenu sémantique propre, sauf les nasales « m » et « n ») : la « motivation phonémique » originelle explique ainsi les propriétés d’inversion des étymons, et de leur interversion dans le radical, avec le même sens. Le phonème « 3 » se transpose en la voyelle portée, longue ou brève en sémitique mais toujours brève en indo-européen (i.-e.).

Sur ces bases, l’étude propose l’étymologie des noms i.-e. des nombres de « 1 » à « 5 » (« 6 » à « 10 »), et des noms de plusieurs divinités (éclairant leurs fonctions originelles), outre le « décodage » des nombreuses dénominations des cinq « planètes », dont l’interprétation par le mythe du nom des nombres peut constituer une alternative de la thèse traditionnelle de l’origine babylonienne.