10. Construction de l’alphabet phénicien et de ses dérivés (racine chamito-sémito-indo-européenne)

L’alphabet phénicien, attesté dès le -XIIIème siècle, a donné naissance à un grand nombre de systèmes d’écriture (dont l’alphabet latin, maintenant diffusé dans le monde entier). L’interprétation actuelle de ses 22 signes consonantiques considère que chacun d’eux serait la première lettre du terme sémitique nommant la forme du signe (méthode acrophonique). Toutefois, cette approche n’est pas convaincante, en raison de fréquentes divergences entre le nom du signe et la forme présumée, dans l’alphabet phénicien comme dans les dérivés. De plus, l’analyse d’un signe a toujours été réalisée d’une manière indépendante des autres.

La présente étude, qui examine environ 600 signes de plus de 20 alphabets, montre que l’égyptien hiéroglyphique (é.-h.) explique, à la fois, le nom et la forme des 22 signes phéniciens. J.G. Fevrier rappelle d’ailleurs que « à Byblos même on lisait et on écrivait couramment l’égyptien durant la première moitié du -II° millénaire, c’est-à-dire à l’époque même où paraît s’être élaboré l’alphabet phénicien ». Par ailleurs, chaque signe se caractérise par sa position dans la suite des 22 lettres : il est déjà admis que cet ordre est assuré et définit l' »ordre levantin » (restant inexpliqué), qui régit aussi tous les alphabets consonantiques dérivés, dits « abjads » (à l’exception éventuelle des sud-sémitiques, en raison des différences des systèmes phonétiques).

En effet, cette étude montre que l’alphabet phénicien est organisé en groupes de cinq signes (déjà reconnus dans l’alphabet ougaritique cunéiforme), qui illustrent, comme la suite des nombres de 1 à 5, puis de 6 à 10, un mythe préhistorique en cinq épisodes, décrivant le cycle de la sève dans la végétation (représenté par une peinture rupestre du Tassili, et survivant dans d’autres suites comme les mois des calendriers antiques, ou les rites des Mystères d’Eleusis). Au sein de chaque groupe, le « rang » attribué à un signe l’oblige à figurer l’un des cinq épisodes du mythe, dans l’ordre requis. Cette forte contrainte, répétée jusqu’à cinq fois, permet des arbitrages décisifs entre plusieurs radicaux plausibles (pour le nom), ou pour trouver le juste signe hiéroglyphique (pour la forme), en assurant la cohérence globale de l’enchaînement.

Le signe é.-h. figurant la forme (phonogramme ou déterminatif, souvent retourné, pivoté ou stylisé) peut être étranger au radical du nom, ce qui infirme l’approche acrophonique. Mais il évoque alors le même concept, sauf en cas de « jeu de radicaux » (radicaux homophones). Selon le principe de la racine chamito-sémito-indo-européenne, tout radical assemble des étymons biconsonantiques signifiants, de sens connexe, comportant toujours le phonème « 3 » (occlusive glottale, « coup de glotte », d’où la première place de alef dans l’alphabet). L’inversion des étymons, ou l’interversion du radical, sont possibles sans altération du sens, du fait de la motivation phonémique originelle (radicaux parfois réduits à un seul étymon, avec suffixe).

L’utilisation de signes é.-h. chargés de sens, a suscité un intérêt extraordinaire, et s’est largement répandue dans de nombreux alphabets dérivés du phénicien, purement consonantiques (nord-sémitiques et sud-sémitiques : abjads), puis de nature proprement alphabétique (transcrivant tous les phonèmes d’une langue, y compris les voyelles, par conversion en voyelles, motivée, d’anciens phonèmes consonantiques inusités) : en réalisant la première notation alphabétique (syllabe décomposée en consonnes et voyelles), les Grecs ont réussi à éviter la lourdeur de la notation syllabique (87 signes pour le syllabaire mycénien, ou 182 pour le syllabaire guèze).

Enfin, l’étude propose l’étymologie, en é.-h., sémitique et i.-e., de la quasi-totalité des noms des nombres, qui, loin d’être « immotivés », confirment en fait la périodicité de cinq du système de construction de l’alphabet phénicien, et la réalité de la racine chamito-sémito-indo-européenne.

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